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En premier lieu, il y a la couleur…
Posée en lavis, elle devient lit où s’étendent éléments, substances et autres créatures qui serviront de bases consistantes à l’œuvre.
Cette couleur, on pourrait la croire posée là de manière aléatoire et pourtant l’acte est réfléchi, elle peut à l’occasion se faire torturée, fulgurante, il lui arrive même d’ être aussi noire qu’un demi test de Rorschach.
Parfois, elle est totalement absente, tout simplement.
Ensuite,il y a le papier bristol, lui il boit la teinte, il en sort d’ailleurs détrempé, maculé, griffé… ou vierge.
Parfois même il n’est pas là du tout.
Enfin, arrivent les collages…
À ce point soignés qu’ils en deviennent difficiles à dissocier des coups de pinceau.
Quelle expo bizarre direz-vous…
N’y a t’il là aucun dénominateur commun?
Et bien si… Il y en a même deux: l’élément déclencheur… et votre imaginaire.
On vous explique.
Fermez les yeux.
Vous êtes à la côte, dans les Ardennes, sur un terril... (peu importe), c’est le matin (ou le soir, pas grave), vous déambulez, sans but, le corps et l’esprit propices au vagabondage… On a tous connu ces moments où les choses les plus communes, les plus étranges aussi, s’inventent une vie propre, ça tient du relâchement synaptique, de l’auto-hypnose.
Sans qu’on y prenne garde, l’esprit se focalise sur un objet (un galet, un bout de varech, un pissenlit, les reflets du soleil sur une flaque, encore une fois, peu importe …) et de là, il suffit de lâcher prise pour qu’un univers parallèle à haute teneur onirique se mette en place…
C’est comme ça que fonctionne l’esprit en général… et celui de Narjes Rejeb en particulier.
Partant d’un point de départ concret (un humérus, un cœur, une baleine, un billet…) l’artiste crée, suggère, tisse avec minutie une galaxie de mondes qui, graduellement, prennent vie.
Et là, malicieuse, elle ouvre grand le box d’un pur-sang imaginaire qui s’empresse de filer au galop dans les profondes épaisseurs des songes.
On en ressort avec une image en tête...
Celle d’un Jacques Prévert armé d’une boîte de peintures à l’eau, occupé à habiller ses collages de coloris pastels…
Et on se dit qu’il aurait probablement été sujet à un frisson d’enchantement similaire à celui qu’on ressent, ici et maintenant, à la galerie Fracas.
C’est dire la puissance poétique qui émane de ce petit point précis de la rue des Capucins.
Une expo qu’on pourrait qualifier d’onirico-interactive tant elle vous incite à lâcher les rennes de vos interprétations propres.
« Via ce périple silencieux, où je m'abandonne aux caprices du hasard, je parcours les strates visuelles de notre époque.
Entourée de vieux magazines et de papiers jaunis, je découpe ces traces du réel pour en faire des boussoles vers l’imaginaire.
Mon processus, à la fois ludique et intuitif, s'apparente à une danse avec l’inattendu. En superposant ces reliques du quotidien, ce qui était chaos devient respiration à l'abri du tumulte du monde.
À travers ce rituel méticuleux, armée de ciseaux et de patience, le collage cesse d'être une technique pour incarner une philosophie : substituer au vertige numérique le bruissement tactile du papier, réapprendre la lenteur du geste, redonner au tangible sa place ».
Narjes Rejeb, 2024.

Rêves de papiers de Narjes Rejeb
du 03 avril au 26 avril 2025
Galerie Fracas
50, rue des Capucins, 7000 Mons
Ouvert les mercredis, jeudis, vendredis et samedis
de 10h à 13h et de 14h à 18h
(l’entrée est gratuite)
À bientôt ?
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