Dans un monde où les artistes peinent parfois à trouver leur place ou leur voix, Fromnow trace un chemin singulier, instinctif, viscéral. Producteur, ingénieur son, fondateur de label, et membre actif du collectif Urban Echoes, il incarne une créativité fluide qui ne se laisse jamais figer. Dans cette interview, il revient avec une sincérité rare sur son parcours, la genèse de son projet FromZero, né suite au vol de 18 ans d’archives musicales, et sa volonté de transformer ce traumatisme en point de départ. Plus qu’un simple projet, FromZero est une philosophie : celle de faire de l’accident un moteur, et de l’imperfection une forme d’absolu.
Fromnow, c’est l’extension naturelle de tout ce que je suis, de mon parcours et de mes paradoxes. Depuis mes 8 ans, la musique fait partie intégrante de ma vie. Un jour, mon cousin au Maroc m’a gravé un CD avec FL Studio. De retour chez ma mère, je l’ai inséré dans le PC familial et j’ai commencé à créer des sons.
Bon, pour les gens qui te découvrent à travers cette interview : tu peux nous dire qui est Fromnow ? Comment t’es tombé dans la musique, et à quel moment t’as su que t’avais envie de creuser ce chemin-là à fond ?
Fromnow, c’est l’extension naturelle de tout ce que je suis, de mon parcours et de mes paradoxes. Depuis mes 8 ans, la musique fait partie intégrante de ma vie. Un jour, mon cousin au Maroc m’a gravé un CD avec FL Studio. De retour chez ma mère, je l’ai inséré dans le PC familial et j’ai commencé à créer des sons. Chaque jour après l’école, je passais des heures à explorer, bidouiller, apprendre. C’était instinctif, vital presque. Je pense que ça vient de mon père que je ne connais pas tant que ça. Sans savoir qu’il faisait de la musique, j’avais déjà touché à ça. Quand j’ai appris qu’il était aussi musicien et passionné, tout a pris sens. J’avais déjà ça dans mon épigénétique et j’ai compris très vite que je voulais pas seulement écouter de la musique, mais la construire, la sculpter, en saisir les moindres details et en comprendre toutes les étapes, bien que je n’aime pas le solfège.
T’es producteur, ingé son, tu gères un label et tu fais aussi partie d’Urban Echoes… t’arrives à souffler parfois ?
C’est vrai que vu de l’extérieur, ça fait beaucoup. Ça peut sembler intense, clairement. Mais en verité, c’est cette intensité qui me stimule. Je ne me sens pas submergé, parce que tout est coherent et naturel. Fromnow, mon projet artistique, Vague Vision Sound, le label, Urban Echoes l’événementiel… tout est un prolongement de ma passion. C’est ce qui me garde la tête hors de l’eau (ou peut-être que je baigne dedans justement), ce qui m’ancre et me pousse à me surpasser. J’ai toujours réussi à trouver un équilibre sain pour rester aligné avec ce que je fais. Tant que je respire dans l’élan de la creation, je continue.
Ce qui m'aide énormément dans ce processus, c'est ma communauté, les gens qui suivent ce que je fais, qui suivent mon travail. Je sais pas si sans eux, ça aurait été pareil mais ce qui est sûr c'est que leur soutien est incommensurablement important à mes yeux. Ça me donne la force de continuer au quotidien même si je le fais pour moi au départ.
Y a un fil rouge entre tous ces projets ? Un truc qui te définit en tant qu’artiste, peu importe la casquette ?
Oui, ce qui lie tout, c’est le movement et le besoin de créer. L’envie de repousser les limites. J’aime réinventer les codes, sortir du cadre, injecter une part d’instinct, déconstruire. Même dans des Techno ou des Trap bien calibrées, il y a toujours une volonté de garder quelque chose d’authentique. Et dans cette authenticité, je recherche toujours à glisser une imperfection innovante. Et derrière tout ça, il y a une obsession pour la connexion humaine, pour cette capacité que la musique a de traduire ce que les mots ne peuvent pas exprimer. Les vibrations m’ont toujours parlé plus que les mots. Ce fil rouge, c’est la sincérité du son et je dirais que ça se combine à mon refus de stagner.
On va rentrer direct dans le vif : le projet FromZero, il est né dans un moment compliqué. Tu peux nous raconter un peu ce qu’il s’est passé ?
Il y a deux semaines, on m’a volé mon sac. Je revenais de studio et j’avais toutes mes affaires avec moi. Dedans, il y avait mon ordinateur principal, tous mes disques durs externes, mes presets, plugins, loops, projets FL, exports WAV, banques de sons, samples, visuels, masterings clients, données sensibles, lunettes… c’est pratiquement 18 ans de travail qui se sont envolés. Tout mon historique créatif effacé en une fraction de seconde. Et avec ça, une immense extension matérielle de moi s’est envolée et un gouffre s’est ouvert en moi. Mais dans ce vide, j’ai trouvé un nouveau point de départ. Et surtout, ce qui m'aide énormément dans ce processus, c'est ma communauté, les gens qui suivent ce que je fais, qui suivent mon travail. Je sais pas si sans eux, ça aurait été pareil mais ce qui est sûr c'est que leur soutien est incommensurablement important à mes yeux. Ça me donne la force de continuer au quotidien même si je le fais pour moi au départ.
T’as perdu énormément de taf… mais t’as quand même décidé d’en faire quelque chose. À quel moment t’as eu ce déclic-là ?
Quand j’ai réussi à remettre la main sur quelques premasters, des vieux exports, des mixes qui traînaient dans des mails ou sur mon SoundCloud. C’était des morceaux que je n’avais jamais finalisés, mais ils vibraient encore. C’était brut, mais sincère. Et cette sincérité m’a suffi pour me dire : OK, faisons-en quelque chose. Ce n’est pas parfait, mais c’est vivant. En plus de tout reconstruire, je peux faire hommage à ce qu’il en reste.
Tu dis que c’étaient des morceaux pas finalisés, pas faits pour sortir… C’est pas trop dur, en tant que producteur, de lâcher prise là-dessus ?
Si. C’est très dur. T’as toujours envie de tout peaufiner, de pousser le mixing et le mastering pour que tout sonne “parfait”. Mais la vérité, c’est que la perfection, c’est une illusion. J’ai préféré l’honnêteté à une finition bâclée. J’ai fait les ajustements que je pouvais avec les moyens que j’avais. Certains morceaux ont été légèrement retouchés grâce au PC qu’un ami m’a prêté. J’ai reçu de l’aide par d’autres producteurs et ingénieurs pour finaliser certains autres morceaux. D’autres sont restés tels quels. C’était un vrai exercice de lâcher-prise. Et une forme de libération aussi. J’ai accepté de montrer le processus au lieu d’un autre type de résultat final. Et au final, ce que je me rends compte, c’est qu’à mes yeux, là où je vois que ce n’est pas fini, les autres y voient des créations bien terminées.
Est-ce que ça t’a changé en tant qu’artiste ? Genre dans ta manière de créer, d’enregistrer ou même de gérer tes archives ?
À 100%. J’ai revu toute ma manière d’archiver, de sécuriser mes données. Tout est maintenant doublé, triplé, dans le cloud. Mais au-delà du technique, j’ai appris à faire confiance à l’instant. À ne plus avoir peur de tout perdre, parce que je sais maintenant que je peux toujours reconstruire. Cette perte m’a aussi libéré et m’a rappelé qu’il faut également faire confiance à son instinct et que même sans matériel, la créativité reste. Et surtout, j’avais déjà eu des pc auparavant qui avaient crashé, j’ai déjà vécu ce type de situations. Dans ces autres cas, j’avais toujours du back up. Dans ce cas-ci, c’est vraiment repartir de rien. Mais c’est positif, parce que je ressens vraiment que je vais aller plus vite, plus loin et avec une vision encore plus claire.
Le projet se découpe en trois volets… t’avais une logique précise derrière ça ? Ou c’est venu naturellement en triant ce que t’avais encore ?
C’est venu très naturellement. En triant ce que j’avais pu sauver, trois énergies distinctes se sont dessinées. Le premier volet est brut, froid, techno, dubby, avec une certaine tension. Le deuxième est introspectif, souvent plus trap, plus intérieur. Le troisième, c’est la lumière qui revient. Une sorte de boucle qui se ferme et s’ouvre en même temps. Une trinité sonore qui fait sens. Une respiration en trois temps. J’ai décidé de sortir les trois volumes à deux semaines d’intervalle chacun (4 avril, 18 avril, 2 mai). Je voulais créer une temporalité, que ça ait un rythme régulier et une progression naturelle.
T’as parlé de “raw emotion” et d’instinct. Est-ce qu’il y a un morceau ou un moment dans cette trilogie qui, pour toi, capture à 100% cette énergie-là ?
Il y en a plusieurs, mais “Off Limits” dans le volume III incarne beaucoup cette énergie-là. C’est une boucle mentale, répétitive, qui dit exactement ce que je ressentais à ce moment-là. Une sorte de mantra subconscient. Mais en vérité, chaque morceau est un fragment de cette émotion brute. FromZero, c’est aussi un état d’esprit. Un rappel que même quand on perd tout, il reste toujours une base intérieure. Repartir à zéro, c’est repartir vrai.
T’as bossé avec Chontane pour les finaliser un peu. C’était quoi son rôle exactement, et comment vous avez collaboré là-dessus ?
Chontane m’a aidé sur trois morceaux à apporter une cohérence sonore, un boost de clarté et de puissance. Il a vraiment respecté l’essence de chaque track. On a travaillé à distance, dans un respect mutuel et une grande fluidité. Il a su écouter, comprendre, et sublimer. Rien que pour ça, je le remercie.
T’as monté ce projet sous Vague Vision Sound. C’est quoi l’histoire du label ? Et pourquoi tu voulais que ce soit la première sortie ?
J’ai fondé Vague Vision Sound avec une idée précise : proposer une autre manière de faire les choses. Mettre en avant des artistes singuliers, libres, qui souhaitent créer sans compromis et innover sans peur. Vague Vision, c’est une structure née de la volonté d’offrir un cadre libre, rigoureux et profondément humain à ceux qui créent hors des cases. C’est un espace d’expérimentation, mais aussi d’accompagnement artistique à long terme. FromZero devait être la première sortie parce qu’elle porte toutes ces valeurs et incarne parfaitement cette philosophie : faire de la contrainte un moteur créatif.
D’un point de vue plus large, c’est quoi qui te drive quand tu produis ? T’as une émotion ou un état que tu cherches à transmettre à chaque fois ?
Je cherche à traduire ce qui ne peut pas être dit autrement. Il y a des moments de doute, de rage, de lumière, de mouvement… Je veux que ça résonne, que ça reste, que ça marque. La musique, c’est mon langage. Une espèce de dialogue fréquentiel entre le corps, le mental et l’esprit. Dans ce cas-ci, si quelqu’un écoute FromZero et se sent moins seul dans sa propre chute ou renaissance, alors j’ai réussi.
Comment tu te positionnes dans la scène belge ? Est-ce que tu sens un pont entre Mons, Bruxelles, et tout ce qui gravite autour ?
Je suis né à Bruxelles et je l’ai toujours portée fort dans mon cœur. J’ai grandi à Tournai, puis je suis arrivé à Mons où je vis depuis pratiquement dix ans. J’ai fait des connexions fortes dans toutes ces villes, et c’est ce tissu humain, ces rencontres, qui m’inspirent. Je sens un vrai pont entre les scènes. La scène belge est un joyau brut et je ressens que j’ai énormément de chance d’en faire partie. Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir y contribuer activement.
Et maintenant ? On imagine que c’était pas évident de sortir ce projet, mais maintenant qu’il est là, qu’est-ce que tu ressens ? Soulagement ? Fierté ? Un peu des deux ?
Un mélange puissant des deux. C’est une page qui se tourne. Et c’est un soulagement immense. Pouvoir enfin partager ces morceaux que j’ai gardés pour moi pendant deux ans, c’est énorme pour moi. Je me livre et je me délivre. C’était la moindre des choses. Il fallait que je leur donne vie.
FromZero, c’est un reboot ? Une fermeture de chapitre ? Ou juste un instantané dans ta timeline artistique ?
C’est une fermeture. Et un début en même temps. Un point de bascule. J’ai ralenti le rythme pour revenir plus fort, et je n’ai pas envie de m’arrêter pour autant. Je sens que le rebond est déjà complètement fou. FromZero, c’est un véritable tremplin.
Et pour la suite, t’as quoi dans les tuyaux ? Tu repars direct en création ou tu te laisses un peu respirer ?
Je me laisse le temps de tout réinstaller, de remettre en ordre mon matos. Mais la créativité, elle est déjà là. Prête à bondir. Je sens que ce qui arrive et ce qui va être créé sera encore plus fort. Et cette fois, rien ne se perdra. Comme m'a dit mon collègue, Disjoli, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
FromZero n’est pas qu’un témoignage sonore d’une perte douloureuse ; c’est un manifeste pour la résilience créative. En choisissant de montrer les cicatrices plutôt que de les masquer, Fromnow nous offre une œuvre à la fois brute et vibrante, où chaque beat respire l’honnêteté. Derrière les textures sombres, les lignes introspectives et les éclats lumineux, on découvre un artiste profondément humain, en quête de vérité et de connexion. Et si repartir de zéro, c’était finalement retrouver l’essentiel ?

LA suite arrive : VVS002 — FromZero II - 18/04